Expérimenter dans le laboratoire de l’imagination.
Apesanteur, manque de limites physiques.
Cet espace de liberté absolue est perturbé par les souvenirs divers, ceux qu’on veut oublier, transgresser, garder, ou modifier, et aussi par l’irréalité des rêves. Fouiller dans la mémoire, ajouter, éliminer, superposer, découper. Tout ce qui sort du laboratoire voit la lumière du jour sous forme de croquis. Un croquis est une sorte d’écriture, d’idéogramme, témoignage direct et intuitif d’une idée naissante. Deuxième étape, c’est le choix de matière adaptée à la mise en œuvre du projet. Le noir sourd de peinture, saturé de pigment, la transparence du film, les coulures d’encre sur le carton donnent le rythme au mouvement, la troisième dimension d’un objet en volume projettent les produits d’imagination dans le monde physique.
Je fais mes eksperymenty en imaginant des machines qui ressemblent tantôt aux avions de guerre, tantôt aux avions cerfs-volants. Parfois ces engins se laissent piloter par des hommes. Ceux-ci sont en proie à leurs désirs qui les précipitent dans la chute ou provoquent leur errance déboussolée dans l’espace.
Après je me retire dans mon laboratoire et le cycle recommence.
LE MOUVEMENT
Des empreintes sur un support transparent, collées sur toile, le dessin dépouillé, réduit en signe.
Le mouvement vertical, horizontal, entre gravitation et non-gravitation, coléoptères suspendus entre ciel et terre.
La navette, trajectoire qui se répète qui forme des idéogrammes une quasi-écriture.
Entre le vol et la chute, entre un être ailé et celui dont le corps inerte tombe, mal soutenu par les ailes imaginaires.
Ressusciter la matière morte, transgresser la gravitation, changer la géométrie du mouvement immuable…
Les croquis, noir et blanc, les lignes qui se croisent, se repoussent, se joignent, le chaos qui se structure, qui s’embrouille, se restructure. Les va-et-vient perpétuels.
La suite : changement d’échelle, grandeur nature, la toile, le carton, la peinture qui colle au support, les lignes qui délimitent les taches, les taches qui envahissent les traits. Tout se bouscule, se cogne, s’élimine, se reproduit… La guerre.
Le noir, le luisant, l’opaque, les jaunes, les rouges, les ocres les bleus qui se transforment en noir en blanc, le blanc qui garde les traces de couleurs précédentes, le noir qui engloutit tout.
Le vide, qui remplit les formes, les formes qui emprisonnent le vide.
Les taches qui s’organisent toutes seules, comme des soldats, dans les rangs, matières obéissantes sans surprise.
Le support absorbe la peinture, s’étrangle, vomit, les couches qui se succèdent forment une carapace rigide ; comment atteindre la toile brute ? C’est trop tard.
Couleur qui enchevêtre la forme. Désaturation progressive.
Le support qui enfle, se boursoufle, crée un volume et petit à petit se détache de la surface plane pour devenir tridimensionnel.
Et ça recommence : attaquer un support vierge, le souiller, nettoyer… la tension monte, anéantir ou continuer ?
C’est une lutte, mais contre qui, contre quoi ? Pas d’explications, une force qui pousse, c’est tout.