Machines à voler et à rêver

Françoise Objois, SORTIR, Lille, mars 2001

Karina Waschko a investi au cœur de Wazemmes la galerie des Ateliers d’Images et d’Arts plastiques. Elle aime les expériences, nous aussi…

« Tout est dans la recherche. La science ne nous donne pas de réponse finalement ; seulement des petites réponses à notre échelle, mais pas de réponse globale. On est en fait aussi condamné à chercher. »
Karina Waschko

Expérimenter, voilà bien le propre de la démarche artistique. Essayer, faire et refaire, chercher… Chercher quoi au juste ? Transfigurer le monde, communiquer avec l’au-delà ou tout simplement sublimer notre humaine condition et nous aider à cheminer vers notre vérité intérieure ?

Karina Waschko n’a bien sûr pas la réponse, mais elle nous livre un moment de ses eksperymenty. Un petit bout de son laboratoire personnel de formes et de sensations. Que se passe-t-il quand on imagine qu’on vole, qu’on chute et qu’on est depuis toujours fasciné par le mouvement ? On se met à dessiner, à peindre, à bricoler de drôles de machines ou des négatifs géants qui ressemblent parfois à des avions de guerre et même à des bombes, tout ça par hasard. Oui, mais quand on sait que Karina Waschko est née à Pozńan en Pologne et que son enfance a été baignée par les souvenirs de la guerre, ceux de sa famille ou ceux orchestrés par l’état, on se dit rien n’est fortuit…

En entrant dans la galerie, on pense tout de suite à Panamarenko et à ses drôles d’avions. Une idée traverse l’esprit, est-ce que Karina ne se prendrait pas pour Icare et n’aurait pas trop regardé du côté de Léonard de Vinci et de ses machines fantastiques ?

On est là dans un univers similaire qui cherche à s’affranchir des pesanteurs du monde avec un esprit pionnier. La technologie, la vraie, celle qui nous fait côtoyer l’infini et tutoyer les étoiles n’a pas sa place dans le monde de Karina qui construit de ses mains avec du bois, du papier huilé, du plomb, du carton ou de fil de fer des engins qui réalisent le plus vieux rêve de l’homme, échapper à la terre, décoller avec un cerf-volant, monter jusqu’au ciel et faire l’expérience d’un autre état, se sublimer tout en ayant une conscience physique de la gravité d’un corps, de sa pesanteur…

Dans les grandes toiles en noir et blanc de Karina Waschko, la présence humaine est suggérée quand la machine prend toute la place ; « Le corps est en train de disparaître. Il n’est plus qu’une sorte de trace, un peu comme après les accidents sur la voie publique on marque sur le sol les contours du corps pour signifier l’emplacement. C’est plus cela : une trace de corps, une absence » qui caractérise l’état de l’homme entre ascension et chute. Karina prépare ses couleurs acryliques elle-même et notamment ce noir profond et mat aux pigments saturés. Très fragile et sans le passage du vernis qui le protège et l’éteint en même temps, il ne supporte pas le passage du temps, le souffle trop proche, et les doigts baladeurs. Il est tellement éphémère qu’il faut le repeindre régulièrement. Mais c’est justement cette couleur inouïe qui lui fait tant plaisir à poser que nous à regarder.

La dernière exposition personnelle de Karina à Lille remonte à 1988. Londres l’a accueillie plus récemment en 1993. Voilà selon toute vraisemblance une artiste discrète qui ne court pas après les expositions et prend le temps de mûrir son travail.

Karina Waschko
Eksperymenty - Notes de Karina Waschko
Eksperymenty - Entretien avec Marie-Joseph Pilette
Eksperymenty - Article, Sortir, Françoise Objois, 2001
Insectes - Notes de Karina Waschko
Chevaux et animaux - Notes de Karina Waschko
Momies - Notes de Karina Waschko
Article de la revue Plural 226, Mexico, novembre 1993

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